Direction Artistique

Passionnément les muets entendent le chanteur.
Et les estropiés prennent toujours part à la course,
telle est la force du combat des hommes. E.Bond

Conjointure Théâtre est une compagnie de théâtre implantée à Chambéry, qui travaille essentiellement autour de l’oralité comme une présence, qui serait première, pour le comédien, dans la construction et la compréhension de sa dramaturgie.

L’approche artistique que je poursuis depuis quelques années est centrée sur 3 notions essentielles qui pour moi fondent l’ensemble de mon travail : la Conjointure, l’Oraliture, et l’Espace public.

“Conjointure “

Terme de l’ancien français utilisé par Chrétien de Troyes dans  » Erec et Enide  » signifiant l’action de rassembler, d’agencer les divers éléments du récit pour construire un roman.
Il était entendu comme une sorte d’art de la composition littéraire. Eugene Vinaver indique que le terme a le sens : “de ce qui réunit, rassemble ou organise des éléments divers et même dissemblables et qui les transforme en un tout organisé.“

La démarche de conjointure :
Depuis près de 25 ans reprenant cette métaphore littéraire, je développe une “démarche de conjointure“ dans le champ artistique mais aussi dans celui des relations sociales et professionnelles, appliquer au sein des organisations et dans le développement de projet.

Il s’agit de partir du corps de la personne humaine, de la personne commune, en l’acceptant dans toute ses différences et contradictions et surtout en la considérant, pour l’accompagner sur un chemin où l’engagement, la joie, la persévérance et la rigueur permettront d’atteindre la construction d’une forme, d’un objet artistique et/ou culturel.

Travail d’observation, de traduction, de jongleur de sens et d’interprétation, et au final
d’heuristique (trouver, découvrir, inventer) au service de la présence de soi face aux autres.

“L’Oraliture“

Les Oralitures, sont constitués de tous les temps de parole que nous  fabriquons et recevons. Ils circulent quelques fois malgré nous et forment à la fin d’une journée, des espaces de paroles influençant nos comportements, nos interactions, nos opinions. Ils ont leurs contours, leurs autonomies, ils dessinent des territoires sonores et signifiants, qui bouclent et complexifient par leurs circulations, les interactions sociales et professionnelles (interprétation /traduction/ “bouche à oreille“).

Mon approche se veut une recherche qui favorise la conscience de sa propre  communication, quelle soit orale, gestuelle, cinétique pour une meilleure maîtrise de soi et une plus grande écoute de son environnement et des autres.

Je développe un travail sur la lecture et le texte, qui est original et unique, car abordant en premier l’aspect respiratoire, phonologique, musicale, et articulatoire des textes, avant celui du sens, de la syntaxe et du culturel. La voix, les sons, la parole, le corps sont, avant tout, les supports et les véhicules de l’être qui permettent les liens entre les individus. L’Oraliture est un terme qui a été inventé par Paul Zumthor (1915-1995) médiéviste suisse, spécialiste de l’histoire culturelle au Moyen Age, artisan d’une pensée de la littérature et de la culture nourrie de l’étude des phénomènes d’oralité qui permet de les distinguer du scripturaire et du littéraire.

Les écrivains et artistes africains mais surtout ceux issus de la Caraïbe ont pris à leur compte ce qualificatif pour revendiquer leurs productions comme une véritable écriture non scripturaire . L’oraliture est pour eux jusqu’à l’affirmation même d’une logique de pensée propre et différente de celle issu d’une civilisation basée sur l’écriture.

“L’Espace public“

Qu’il soit dans la rue, sur la place, dans une salle ou sur des réseaux sociaux, il est le lieu par excellence d’une expression citoyenne et donc politique, c’est à dire de l’exercice d’une fonction critique dans la cité et d’une parole libre.

Il est le coeur de mon travail, il en est le cadre mais aussi l’inspirateur.

C’est dans cette espace avec (son contexte et ses circonstances) que peut se déployer une parole agissante Cette dimension est pour moi éminemment politique. De plus selon que ce soit dans les rues, les ruelles, les places, les avenues ou les cours d’immeubles, les moments que nous proposons sont totalement différents.

La dimension de l’improvisation y prend une place importante. D’autre part il est primordial d’être et en proximité d’avec le public et de le “haranguer“, cette nécessité de rentrer en contact et de réussir à ce que ce flux devienne auditoire et public éphémère, est notre challenge et notre moteur.

L’espace public est un concept utilisé en premier lieu par Kant et qui a été défini plus précisément par Hannah Arendt, en particulier dans Condition de l’homme moderne (1958) et dans La Crise de la culture (1961). L’espace public est une notion très utilisée en sociologie depuis la thèse de Jurgen Habermas intitulée ; L’espace public : archéologie de la publicité comme dimension constitutive de la société bourgeoise (1962) .

Pour Habermas l’espace public est « le processus au cours duquel le public constitué d’individus faisant usage de leur raison s’approprie la sphère publique contrôlée par l’autorité et la transforme en une sphère où la critique s’exerce contre le pouvoir de l’État. » L’espace public : archéologie de la publicité comme dimension constitutive de la société bourgeoise (1962).

“Qui écoute une histoire forme société avec qui la raconte “
Walter Benjamin